Alexios Kolokotronis ❖ « With all due respect -which is none... Go to hell. »
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Autrefois, on te surnommait Deimos. Un enfant arraché à sa famille, qu'on a abreuvé de mensonges et de belles promesses pour le modeler selon son bon vouloir. Tu es devenu cet être sans conscience, cette arme que le culte de Kosmos désirait tant.
Mais tout ça, tu n'en as pas le moindre souvenir. Pas plus que tu ne te souviens de cette période plus paisible que tu as eu la chance de passer auprès de ta soeur aînée, Kassandra, et de ta mère, après qu'elles aient réussi l'exploit de te ramener à la raison. Tout ce que tu as conservé de ton existence précédente, c'est une chanson que tu fredonnes parfois, sans savoir d'où elle vient, et d'étranges sentiments de déjà-vu. Rien de bien folichon, hélas.

Ta mémoire ne remonte que deux ans en arrière, et à l'époque déjà tu nageais dans le flou le plus total. Le seul élément dont tu étais certain, au milieu de ce néant angoissant, c'était ton prénom ; Alexios. Pour ce qui est de reste... A y réfléchir comme un forcené, tout ce que tu as gagné c'est une belle migraine.
Les médecins qui t'avaient pris en charge jusque là t'ont aidé à combler les lacunes que tu avais, et bon sang elles étaient nombreuses ! Les ordinateurs, les téléphones, et même quelque chose d'aussi simple et basique que des interrupteurs te paraissaient étrangers. "C'est normal dans le cas d'une amnésie sévère comme la vôtre, ne vous inquiétez pas" qu'ils te disaient. Puisque tu n'avais aucune preuve du contraire, tu as décidé d'y croire... Même si la pilule te semblait un peu grosse à avaler.

Au fil du temps tu as pris tes marques et gagné en assurance. Ton caractère s'est affirmé. Avide de connaissances, comme pour combler ce vide dans ton esprit, tu as commencé à fouiner dans un peu tout ce qui te passait sous la main. C'est comme ça, qu'un beau matin, tu es tombé sur ce qui est aujourd'hui ton nom de famille. Kolokotronis, un patronyme originaire du Péloponnèse. Avec un prénom comme le tien, c'est sans doute d'une région de ce genre que tu viens, alors... Pourquoi pas ? Et puis de toute façon, tu ne pouvais pas rester affublé d'un simple Alexios éternellement.

Après une petite année passée à t'acclimater en douceur, tu as voulu aller vivre ta vie dans ton coin. On t'a donc laissé partir. Il ne t'a pas fallu longtemps pour trouver un emploi, et aujourd'hui tu es barman dans un petit établissement du Bronx. D'ailleurs tu t'entends plutôt bien avec la propriétaire, ce qui est une bonne chose parce qu'autant être honnête, parfois tu as tendance à grogner contre les clients et non, ce n'est pas une bonne technique pour pousser à la consommation.
Où est-ce que tu vis ? Dans un petit appartement, juste au dessus du bar. Ce n'est pas bien grand, c'est un peu vieux, mais ça te convient à la perfection. De toute façon tu vis seul... Enfin, pas tout à fait seul, pour être honnête. Allant et venant à sa guise, tu partages ta vie avec un faucon pèlerin d'à peine plus d'un an, que tu as baptisé Leonidas -mais il ne faut pas te demander pourquoi ce nom-là, ça tu n'en fichtre rien. Tu l'as trouvé, seul dans son nid, le cadavre de ce que tu as présumé être sa mère étendu à côté, un soir où tu grimpais sur les toits à défaut d'avoir quelque chose de mieux à faire pour t'occuper. Du poison, sans doute, à en juger par la carcasse de rat qui se trouvait encore coincée dans l'une de ses serres. L'espace d'un instant tu as failli tourner les talons et juste t'en aller... Mais finalement tu n'as pas pu te résoudre à abandonner l'oisillon à la mort. Comme si quelque chose résonnait en toi. Peut-être seulement ta conscience. A présent le rapace est ton plus fidèle compagnon.

La vie que tu mènes aujourd'hui est simple. Tu ne penses pas vraiment au futur, n'ayant aucune idée de ce que tu pourrais en attendre, quant à ton passé... Eh bien, tu as comme la désagréable sensation que tu ferais mieux de ne pas t'en souvenir.